31 oct. 2025
La Faucheuse marche sans bruit, son pas aussi léger que le souffle d’un dernier soupir. Sa faux traîne sur le sol, traçant une ligne fine dans la boue.
Au détour d’un bâtiment, elle aperçut des vaches, des cochons, des moutons, des coqs. Tous vivants, mais déjà condamnés par des mains humaines. La Faucheuse s’approcha, sa faux luisant sous la lune.
C’était son rôle, pensait-elle : prendre les âmes quand leur heure sonne. Mais en observant ces animaux, elle sentit quelque chose d’inédit. Le regard d’un bœuf croisa le sien, un regard pur, presque curieux.
Dans ce silence, la Faucheuse entendit un battement… un souffle… une vie simple, innocente.
Elle leva sa faux, puis la laissa retomber.
Une fissure se creusa dans sa certitude.
Depuis des siècles, elle avait enlevé la vie sans émotion. Mais ce soir-là, devant ces êtres qu’on élevait pour mourir, elle ressentit une injustice plus grande que la mort elle-même.
Alors, la Faucheuse recula et, pour la première fois, épargna des âmes.
Elle fit un pas vers les enclos.
Elle tendit la main, hésitante, comme si ce simple geste pouvait rompre l’équilibre du monde. Ses doigts effleurèrent la laine du troupeau de moutons. Un frisson parcourut la Faucheuse. Jamais elle n’avait senti la chaleur d’un être avant qu’il ne s’éteigne.
Alors, doucement, elle s’assit parmi eux.
La Faucheuse resta immobile, submergée.
Autour d’elle, les animaux respiraient, paisibles.
Chacun d’eux lui offrait ce que les humains avaient oublié : une présence pure, sans jugement.
Et, pour la première fois, elle sentit l’amour circuler en elle.
Dans cette étreinte fragile, la Mort comprit que la vie avait bien plus à donner qu’à reprendre.
Depuis cette nuit, dit-on, la Faucheuse refuse de prendre les animaux. Elle marche encore, invisible, dans les abattoirs déserts, et pleure pour ceux que la vie a trahis avant que la mort ne vienne.
Et chaque Halloween, quand le vent siffle, certains affirment entendre son murmure : « Si même la Mort peut avoir de la compassion… pourquoi pas les vivants ? »
