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Quelques mots d'Aby, en hommage à Wilbur

Aujourd’hui, c’est en tant qu’ambassadrice que je vais vous parler. Et j’en ai des choses à dire.

Ce samedi, Wilbur est mort. Wilbur était lui aussi un ambassadeur du Rêve d’Aby.

Il est arrivé un soir à la ferme. Je m’en souviens. J’ai vu Sophie et Vincent remuer ciel et terre pour cette petite chose rose et malade. Je sentais la bonne odeur des petits plats préparés pour lui, je les voyais passer du temps avec lui pendant qu’il était en quarantaine, je les sentais fort préoccupés et inquiets pour ce petit être. Je ne comprenais pas pourquoi. Puis je l’ai vu de plus près. Et c’est vrai qu’il faisait peine à voir ce petit cochon. Il ne ressemblait pas à grand chose. 

Après quelque temps, Wilbur tenait bien mieux sur ses pattes et commençait vraiment à profiter de sa vie à la ferme. Il n’était pas tout à fait comme les autres cochons mais ce n’était pas grave. Il avait sa place ici parmi nous et il avait pris une grande importance dans la vie de mes humains. J’avoue que quand je le voyais au début, il me faisait un peu peur. Il marchait bizarrement et ses cris étaient assez incroyables mais ça c’est normal, il était sourd. J’ai appris à le connaitre. J’étais heureuse de voir les visiteurs, les bénévoles, les membres, ses parrains et marraines aller lui dire bonjour et lui témoigner de la sympathie.

C’est que Wilbur devenait une personnalité de taille ici ! Et pour l’ASBL qui porte mon nom, c’était une très grande chance d’avoir un ambassadeur tel que lui.

Un an plus tard, Wilbur a commencé à ne pas aller très bien.

J’ai vu de plus en plus passer Pauline, notre super vétérinaire. Je vous ai déjà parlé d’elle. J’en ai vu défiler moi des vétérinaires et je peux vous dire que je ne veux plus qu’elle pour faire mes soins. Elle nous considère comme des individus et elle met tout en œuvre pour que nous soyons soignés, comme nous le méritons. Et même encore plus que ça !

Elle est venue souvent voir Wilbur. Sophie et Vincent étaient inquiets. Des bénévoles que j’aime beaucoup se sont relayés pour veiller mon ami le cochon. Ça ne m’inspirait rien de bon tout ça… Les jours passaient et je ne voyais plus sortir Wilbur. Il se passait sûrement quelque chose. Et j’ai rapidement compris. Wilbur était de plus en plus malade. Je les entendais discuter, essayer de trouver des solutions, et puis d’autres solutions… Ils ont vraiment tenté le tout pour le tout. Mais ça n’a pas marché.

La douloureuse décision a été prise de libérer Wilbur de ses souffrances. Il s’en est allé, entouré et aimé, au paradis des cochons, cet endroit où aucun animal n’est en cage ou maltraité.

Plus qu’un compagnon de la ferme, Wilbur était un symbole. Wilbur était l’ambassadeur de tous les cochons d'élevages intensifs et à ce titre, sa mort ne doit pas être vaine. Alors je vais vous expliquer quelques petites choses.

Wilbur était un cochon de race large white croisé piétrain, de première génération. Ce croisement n’a qu’un but, l’engraissement: un maximum de viande pour un minimum d’os. Wilbur n’est pas né pour vivre une vie entière, il est né pour mourir. Vite. Aussi vite qu’il aurait été engraissé.

Aujourd’hui, à l’heure où je vous écris ces quelques mots, ce ne sont pas des centaines, ni des milliers, mais des millions de Wilbur qui attendent une mort atroce. Et pourtant, cette mort sera pour eux une délivrance parce qu’elle les soulagera d’une vie de souffrance et de misère.

Et moi, je me demande pourquoi.

Pourquoi est-ce qu’aujourd’hui, au 21ème siècle, nous faisons encore subir des atrocités sans nom à des animaux dotés d’intelligence et d’émotions ? Est-ce que c’est utile ? Nécessaire ? Vital ? Est-ce que ça a du sens ?

Parce que c’est de ça dont il est question.

Wilbur est mort alors qu’il n’avait pas encore deux ans. Ce n’est pas la fatalité, ce n’est pas la faute à «pas de chance». Non. C’est la faute d’un système que nous avons tous le devoir de remettre en question et de faire vaciller, tout comme Wilbur a vacillé durant les dernières heures de sa vie. C’est la faute d’une industrie dont l’inhumanité rivalise avec une toute-puissance motivée par le profit. Et ce système, cette industrie, cette inhumanité, tout cela existe parce qu’il y a une demande.

Nouvelle petite série de questions… D’où vient cette demande ? Qui peut influencer cette production de masse ? Nous ? Vous ? «Les autres» ? Si la demande s’arrête, la production s’arrête. Si la demande s’arrête, la chaîne s’arrête. Net.

Des gens viennent me voir ici à la ferme. Ils m’aiment, ils me connaissent. Parce que je suis Aby. Mais derrière moi, il y a les vaches que je représente. Et qui valent tout autant que moi, même si elles n’ont qu’un numéro sur l’oreille.

Wilbur lui aussi était aimé. Il ne pouvait laisser personne indifférent ce gentil cochon. Wilbur représente tous les autres cochons d’élevage intensif. C’était son rôle de son vivant, c’est encore son rôle aujourd’hui.

Nous avons été touchés par vos messages, par vos pensées pour lui. Cette peine, cette compassion, il faut s’en servir pour se remettre en question, pour avancer, pour ouvrir les yeux et se demander ce que nous pouvons faire pour que les choses changent. Ce que nous devons faire pour que l’industrie tombe au sol et ne se relève pas. Cette industrie qui a fait tomber Wilbur au sol.

Quels que soient vos choix, vos démarches, vos remises en question, votre rythme, faites un effort chaque jour, et un autre effort le lendemain. Parce qu’en faisant des choix responsables, en regardant votre barquette de jambon bas prix ou votre boîte de saucisses apéro, vous avez la possibilité de vous poser les bonnes questions et de reposer le tout dans le rayon. Même si «les autres» ne le font pas, même si vous pensez que tout seul ça ne sert à rien.

Chacun d’entre nous a le pouvoir de faire changer les choses. Changer les choses pour Wilbur, pour Jessy, pour Pim’s, pour Doris, pour Papaye, pour moi, pour tous les autres pensionnaires du Rêve d'Aby mais surtout, pour tous les animaux anonymes.

Wilbur, je suis désolée que tu n’aies pas pu profiter de cette vie un peu plus longtemps. Je suis désolée que tu n’aies pas pu être aimé et choyé plus longtemps. Je te promets de veiller sur les humains qui viennent ici à la ferme et je ferai tout mon possible pour les sensibiliser un peu plus, un peu mieux.

Mon rêve qu’un jour chaque animal soit traité avec respect, j’y tiens. Je compte sur vous.

Aby

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