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[Adieu Papaye]


Vincent a retrouvé notre Papaye couchée ce matin, les yeux fermés, l’air serein. Mais elle ne dormait pas. Cette nuit, notre Papaye s'est endormie pour toujours.


Papaye est arrivée au Rêve d'Aby en 2013, avec sa sœur Olive. Elles étaient âgées de quelques heures à peine. Sophie et Vincent les ont installées dans leur cuisine et les ont biberonnées pendant plusieurs semaines.


Elles étaient pleine de vie, des petites chèvres espiègles et gentilles.


Quelques mois plus tard, Olive a commencé à ne pas aller bien. Elle était atteinte d'une bactérie qui attaque la moelle épinière. Paralysée des pattes arrières, elle a reçu une cabri-mobile pour l’aider dans ses déplacements, elle commençait à s’y habituer. Puis un matin, Olive n'a pas voulu manger. Elle était fatiguée. Notre vétérinaire est venue. La maladie gagnait du terrain. Ne voulant pas faire souffrir notre courageuse petite chèvre, nous avons pris la décision de l'endormir calmement.


Sophie et Vincent ont alors surveillé Papaye de très près, craignant qu’elle soit elle aussi atteinte de la même maladie. Mais Papaye a grandi, en pleine forme, cumulant les bêtises en tout genre et martyrisant même certains de nos bénévoles. Un sacré caractère notre Papaye !


Il y a quelques mois, Papaye a commencé à tousser. Nous l’avons soignée, elle allait mieux. Mais certains jours, elle recommençait à tousser. Son état empirait.


Craignant le pire, nous avons demandé une radio qui a révélé un abcès dans sa gorge. Rien de trop grave… L’opération a été un succès mais les anesthésies sont toujours risquées pour les chèvres parce que cela ralentit la digestion et perturbe le processus de rumination. Papaye était affaiblie, son cœur a arrêté de battre cette nuit.


Notre Papaye est partie rejoindre sa sœur Olive. Ces deux courageuses petites chèvres nous auront tous marqués au refuge.


Aujourd’hui, Le Rêve d’Aby est en deuil parce qu’il a perdu un membre de sa famille. Vincent et Sophie qui l’ont élevée au biberon et vue grandir sont tristes. Toute l’équipe est triste.


Adieu Papaye.

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Belle Papaye,


Tu es partie cette nuit, juste comme ça, tout doucement.


Je suis remplie d’une grande tristesse et je pleure beaucoup. Pourtant, notre relation n’était pas très bonne.


Je ne sais pas pourquoi, un jour, alors que je mettais de la paille et du foin dans ton box d’hiver, tu t’es énervée très fort contre moi. Je m’en souviens comme si c’était hier. J’ai eu vraiment peur ! Tu étais impressionnante, dressée sur tes deux pattes arrières, me regardant droit dans les yeux. Tu m’as chargée à plusieurs reprises, la tête en avant, alors que j’étais bloquée dans un coin, essayant de te repousser en tenant tes cornes à la seule force de mes bras, jusqu’à ce que notre grand Tim s’interpose en sauveur entre toi et moi.


Je n’ai jamais compris ce que j’avais fait de mal. Depuis ce jour, je me méfiais de toi. D'autant plus que tu avais toujours une réaction quand tu me voyais, cette crête qui se dressait sur ton dos comme pour me dire de ne pas approcher. Tu m’en as donné des frayeurs, plus d’une fois par la suite… Je me contentais de te faire une petite caresse sur la tête de temps en temps, très rapidement pour ne pas risquer de te contrarier. On en riait avec Sophie et Vincent. Mais au fond ça me rendait un peu triste que tu ne sois pas ma copine.



J’avais de la peine quand je t’entendais tousser. Je n’aimais vraiment pas ça. Tu vois Papaye, ces histoires de sorcières qui jettent des vilains sorts ? C’est ce que je me suis raconté, qu’un jour une sorcière t’avait jeté un sort qui faisait que tu attaquais certains bénévoles. Et comme au fond tu étais gentille, tu toussais pour évacuer toute la méchanceté de ton corps. Sauf que j’aurais préféré que tu me persécutes encore plutôt que te voir affaiblie.


Et aujourd’hui voilà, tu es partie pour toujours. La sorcière a bien réussi son coup. Mes ondes de fée n’auront pas réussi à te sauver petite Papayette.


Le lien qui nous unissait, même s’il était particulier, était un lien très fort pour moi. Je respectais cette distance que tu m’imposais. Après tout, tout comme cela m’arrive à moi aussi, tu n’étais pas obligée d’aimer tout le monde. Ça va me manquer de ne plus être sur mes gardes dans les prairies, ça va me manquer de repérer ta place dans le troupeau pour être sûre que tu n’allais pas me grimper sur la tête, ça va me manquer de te dire de loin “coucou Papaye, oui oui je sais, tu ne m’aimes pas”...


Toutes ces petites choses vont me manquer. Tu vas me manquer.


Isabelle


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